quarta-feira, 10 de outubro de 2012

SECOND TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX


SAINT THOMAS D'AQUIN, DOCTEUR DE L'ÉGLISE

OPUSCULE 55
(Œuvre probablement non authentique)
Traduction Abbé Védrine, Editions Louis Vivès, 1857
Édition numérique, http://docteurangelique.free.fr, 2004
Les œuvres complètes de saint Thomas d'Aquin


Note de l'édition 1857: Saint Thomas d'Aquin avait écrit sur les Universaux. A t-il composé un ou plusieurs Opuscules? C’est ce que nous ne pouvons décider. Il ne serait pas étonnant en effet que, sur la demande des étudiants, il en eût écrit un certain nombre sur cette matière, puisqu’on en trouve plusieurs de lui sur le sujet du verbe.

Comme, suivant Aristote dans son livre I. Posteriorum, la science roule sur les choses sempiternelles et sur celles qui sont connues et qui ne peuvent être autrement, ch6ses qui sont des universaux, j’es time en conséquence qu’il est utile d’en dire quelque chose à raison de l’universalité, afin que la nature de ce qui constitue l’être étant une fois connue, il soit plus facile de connaître les autre& universaux dans ce qui les constitue. Je dis donc que l’universel en tant qu’universel comprend une première chose, de nature à être par soi en plu sieurs, suivant la seconde intention. Mais j’appelle intention seconde ce que l’intellect conçoit secondairement de la chose, à raison de quoi il faut entendre que les choses étant matérielles et particulières en dehors de l’âme, et chaque chose étant intelligible en tant qu’elle peut être séparée de la matière, il est évident qu’on ne peut concevoir une chose selon qu’elle est dans une matière particulière, à moins de l’abstraire de toutes les conditions individuantes. On ne peut, en effet, concevoir une pierre sans l’abstraire, par l’intellect, de telle et telle chose. Mais comme l’intellect abstrait des sens l’objet de son intellection, la pierre doit être connue d’abord par la puissance imaginative ou fantastique, qui est plus active sous ce rapport que les autres puissances sensitives. Or cela ne peut se faire que par le moyen de quelque image; il faut conséquemment pour cela que l’intellect conçoive la nature de la pierre, qu’il abstraie son espèce intelligible de son image, de sorte que la première intention qui vient de la pierre est dans l’intellect l’espèce de la pierre, laquelle convient à la pierre en tant que pierre, et le mot pierre a été imposé par cette première intention, pour signifier la nature de la pierre qui est hors de l’âme, ce qui arrive par la raison que l’espèce de la pierre n’est pas ce qui est conçu, mais ce par quoi s’opère la conception, lorsque l’intellect conçoit la nature de la pierre. Comme l’espèce du corps, par laquelle s’opère la vision, se trouve dans l’oeil, et c’est cette espèce par laquelle le terme a ou n’a pas de signification; cela deviendra plus tard évident. Il faut maintenant voir plus loin puisque l’intellect conçoit la nature de la pierre par le moyen d’une espèce intelligible, parce qu’il ne lui répugne pas d’être dans plusieurs. En second lieu, il la conçoit en tant qu’elle est l’objet d’une participation multiple, et il la conçoit ainsi diversement, suivant les différents modes de participation. Car, comme objet de participation de la part de plusieurs choses différentes d’espèce, il la conçoit sous l’intellect de genre, et sous l’intellect d’espèce, si ce sont des choses différentes de nombre.
Tout cela s’éclaircira encore; on voit donc par là qu’il y a une différence d’intellect entre concevoir la pierre comme pierre, et la concevoir comme objet de participation universelle ou particulière, et cet intellect est antérieurement ce qu’il est, parce que la puissance d’une chose et son aptitude ne sont pas de l’essence du terme, comme la puissance de l’âme n’est pas de l’essence de l’âme. C’est pourquoi l’aptitude à être en plusieurs n’est pas de l’essence de l’homme, parce qu’alors l’homme qui est dans Jacques serait apte à la participation de plusieurs, ce qui est impossible. Comme toute chose peut être abstraite de ce qui n’est pt de son essence, elle peut en conséquence être conçue sans l’intelligence de sa participation avec plusieurs. En effet, l’homme en tant qu’homme n’est ni universel, ni particulier; car si l’homme comme homme était universel, il ne pourrait plus être particulier, et s’il était particulier, il ne serait pas universel eu tant qu’homme. De même que Jacques, qui est singulier en tant que Jacques, ne pourrait être universel. C’est donc un accident pour lui d’être ou singulier, ou universel. Mais vous devez savoir que l’homme n’est dit universel que parce qu’il est considéré universellement. Or il arrive que cette considération est de l’homme, non en tant qu’il est extérieurement dans la matière, car sous ce rapport il y est individuellement, et l’être universel n’est pas contingent à l’homme en tant qu’individu, car alors l’opposé surviendrait dans l’opposé, il ne lui est contingent que suivant l’être qu’il a dans l’intellect. Donc l’universel est un et multiple: multiple en tant qu’il se trouve dans plu sieurs, autrement il ne pourrait se dire de plusieurs, comme homme en réalité est multiple, parce qu’il se dit de plusieurs; mais il est un dans la cognition, parce que quoique la pluralité, comme pluralité, ne constitue pas un intellect, néanmoins plusieurs choses en tant que semblables constituent un intellect, de telle sorte que l’intellect ne peut se distinguer entre des choses semblables ci tant que semblables. C’est pourquoi l’intellect saisit l’homme et l’aine en tant qu’ils s’accordent dans une opération, c’est-à-dire qu’il les saisit dans un unique intellect sensitif, et quoique en réalité ils soient multiples, cette unité n’est pas opposée à la multiplicité. Et comme une chose est être et une par là même, et vice versa, il faut que l’universel soit universel par cette susdite unité, de manière que cette cognition de la nature fait que l’être universel est universel en acte, et c’est quelque chose de formel dans 1’ur On voit par là que l’intellect produit l’universalité dans les choses, comme dit le Commentateur, parce que cette universalité vient de l’intellect; niais comme cette universalité tire son origine de la chose, Aristote dit que l’universel ou n’est rien ou est postérieur, parce que cette universalité n’est rien en réalité. On demande si l’universel est substance ou accident; cette question trouve sa solution en ce que en parlant de l’universel en tant qu’universel, il est seulement dans l’aine et est accident: mais en parlant d’une chose exprimée on dit qu’il est quelquefois substance et quelquefois accident suivant la diversité des universaux, et on voit de même par là comment il faut entendre cette proposition: l’universel est ce qui peut se dire de plusieurs, car la seconde intention que renferme l’universel ne se trouve dans l’âme que formellement. Or ce qui est dans l’âme ne se dit pas d’une chose hors de l’âme, puisqu’il faut que le prédicat se trouve dans le sujet. Mais l’universel peut se dire suivant la nature réelle qu’il renferme matériellement, de manière que lors qu’on dit l’universel se dit de plusieurs, le sens est que la chose soumise à l’universalité se dit de plusieurs, comme homme, âne. La chose est claire, parce que si homme ou âne se disait de plusieurs, comme de Jacques ou Platon, selon l’universalité, alors Jacques serait universel. Il reste donc à dire qu’il n’y a que cette seule nature exprimée qui se dise universellement. Car on a dit, quoique l’homme soit particulier dans une chose extérieure, cela arrive néanmoins suivant que l’homme pourra être considéré sans cette qualité de particulier, et de cette manière homme est dans plusieurs et se dit de plusieurs, non pas cependant homme numériquement un, mais un en espèce car homme qui se dit de Jacques est le même que Jacques, et celui qui se dit de Platon est le même que Platon, puisque le prédicat se trouve dans le sujet, et qu’il est impossible qu’une chose numériquement se trouve dans plusieurs différentes numériquement, quoique homme ne se dise pas de Jacques suivant qu’il est particulier. La raison de cela, c’est que la prédication d’un terme dit la même chose que sa signification. Donc la prédication a la même valeur que la signification, parfois ce terme homme signifie la nature sans nulle participation et sans raison particulière. Donc il la désignera ainsi, mais il ne le fait pas de la sorte universellement, parce que, comme nous l’avons dit plus haut, l’intellect de l’homme en tant qu’homme est différent de son universalité. Mais il faut remarquer une chose, c’est que lors qu’on parle de la prédication d’une chose soumise à la seconde intention, il ne faut pas entendre que cette chose est soumise à l’intention de telle sorte qu’elle se trouve en elle comme l’accident dans le sujet, de même que le sujet de la science n’est pas dit sujet dans ce sens que la science est en lui comme dans un sujet, elle ne s’y trouve que comme dans l’objet. En effet la science ne se trouve pas dans ce qui est susceptible d’être su, mais dans celui qui soit, d’où à proprement parler on ne dit pas sujet mais objet de la science, et de même la chose soumise à cette intention n’est pas dite proprement subjecta mais objecta. On voit par là que l’universel est un et n’est pas un. Il n’est pas un dans la substance, puisque il s’agrège l’accident, c’est-à-dire la seconde intention, et la chose qui est hors de l’âme, laquelle est quelquefois accident, comme la blancheur, et quelquefois substance, comme homme. Il n’est pas un par accident, ou accidentelle ment, puisque l’accident est dans le sujet. L’universel est donc un de l’universalité de cognition, de sorte que pour la nature d’universel on ne requiert que cette unité rationnelle, et c’est pour cela qu’Aristote dit qu’il est un, c’est-à-dire connu ers plusieurs. Or nous avons dit comment une chose est connue en plusieurs. C’est pourquoi on ne peut dire que l’universel est un par relation, puisque les intentions secondes ne se rapportent pas aux choses, mais plutôt à elles-mêmes réciproquement, comme l’espèce est dite espèce par rapport au genre et non par rapport à la nature objecte Tout cela deviendra encore plus clair; on voit par là qu’il est impossible de déterminer une seule et même science de l’universel per se relativement à ces deux natures, qu’elle renferme, mais bien plutôt de uno per se et de alio per accidens. Donc la logique, en considérant l’universel, ne le considère pas relativement à la nature supposée per se, car elle ne considère pas l’homme en tant qu’homme, mais en ce qu’il est espèce, et ainsi des autres animaux, et par conséquent la logique appartient principale ment aux secondes intentions. Mais comme les secondes intentions se tirent principalement des propriétés des choses par le moyen des premières, comme on l‘a vu, c’est pour cela qu’Avicenne dit dans le livre I° de sa Métaphysique, que le logicien ne considère pas la chose supposée per se, ce qui vient de ce que la logique appartient aux secondes intentions avec l’adjonction des premières. Les autres sciences au contraire considèrent l’universel relativement à la chose supposée, car le naturaliste ne considère pas le corps mobile en tant que genre, mais en tant que corps mobile, et la musique ne considère pas le son en tant qu’accident, mais comme tel. On voit par là que ces sciences ne considèrent pas l’universel sous la première condition d’universel, puisque elles ne considèrent pas ce qui fait formellement l’universel, mais elles doivent considérer l’universel, parce qu’elles considèrent les choses, non comme particulières, mais comme singulières. Vous devez savoir que de même qu’une intention est genre et espèce sous divers rapports, de même aussi une intention est universelle et singulière par rapport aux choses diverses. Car par cela qu’une intention est universelle en tant qu’elle a une relation à plusieurs choses, comme l’intention de l’homme qui est dans l’âme, comme elle est comparée à plusieurs choses elle est par là même universelle, et quoiqu’il en soit ainsi, cette intention est néanmoins dans l’âme, elle est quelque chose de singulier qui vient de ce que chaque chose est reçue dans un autre suivant le mode de ce qui reçoit et non pas le mode de la chose reçue. L’âme étant donc singulière, comme on le dira ailleurs, il faut que tout ce qui est reçu dans l’âme le soit d’une manière singulière et soit singulier par rapport à elle; il ne s’ensuit pas néanmoins que cette intention ne soit pas intelligible, car la singularité, par là même qu’elle est singularité, n’empêche pas l’action de l’intellect, autrement les intelligences étant singulières ne pour raient être conçues, ce qui est faux. Je ne veux pas que la singularité, par là même qu est singularité, Sait intelligible, parce qu’alors Jacques serait intelligible. Il lui arrive donc comme telle d’être de telle ou telle manière; elle n’est donc opposée à l’action de l’intelligible que lorsqu’elle est avec la matière: mais dégagée de la matière elle sera intelligible. Or maintenant l’intention qui est dans l’âme est immatérielle, et il faut qu’elle y soit suivant son mode, comme il a été dit plus haut. Et quoique l’âme conçoive les choses matérielles d’une manière immatérielle, elle comprend néanmoins matériellement qu’elles sont, parce qu’autrement elle ne concevrait pas leurs natures matérielles; ceci deviendra plus clair ailleurs. On voit par là comment il faut entendre cette parole de Boèce: Tout ce qui existe, existe parce que c’est un numériquement, ce qui est évident dans les choses particulières; mais dans les choses universelles quelques-uns l’ont nié, d’autres ont dit que l’universel était numériquement un par la numérosité de l’essence, or ceci est faux; car l’unité de l’essence n’est pas requise pour l’unité de l’universel, parce que le genre ne dit pas une seule essence, mais plusieurs, comme on le verra en conséquence: mais on dit que l’universel est un numériquement, parce que cette intention qui est dans l’âme et qui fait que l’universel est universel, comme nous l’avons dit, est numériquement une par rapport à l’âme. Or il ne faut pas négliger de rechercher si toute chose Sou mise à l’universalité est nécessairement ou non hors de l’âme. Pour comprendre cela il faut savoir qu’Avicenne dit dans le cinquième livre de sa Métaphysique, qu’il y a trois sortes d’universel; premièrement on appelle une chose universelle selon qu’elle se dit de plusieurs en acte, de façon qu’elle se trouve en plusieurs, comme homme. Secondement, on appelle universel ce qu’il est possible d’attribuer à plusieurs, mais non en acte, et qui ne se trouve pas en plusieurs, ni en quelque sorte hors de l’âme, comme une maison octangulaire, laquelle n’existe que dans l’esprit de l’architecte. Troisièmement on appelle universel ce qui n’est pas en plusieurs, mais bien dans un seul individu, sans répugnance néanmoins à être en plusieurs, comme le soleil, la lune et autres choses semblables. Pour comprendre cela, il faut savoir que certaines choses tiennent l’être de la nature et d’autres de l’art, comme les choses artificielles. Mais nous ne pouvons connaître les choses naturelles si elles ne préexistent pas, par la raison que notre science est produite par elles et leur est postérieure, parce que notre intellect ne les conçoit que par le moyen de leurs images. Or l’image d’une chose lui est postérieure, et pour qu’il y ait un effet, il faut que la cause persiste. D’où il résulte que, les choses étant détruites, la science elle-même est détruite aussi, et il ne sert de rien de dire que les images sont restées dans l’âme. Car la science ne s’occupe pas de ces images, mais bien des choses dont elles sont les images. Et sur cela, je dis que si la science consiste dans les images des choses, il s’ensuit encore que, les choses étant détruites, la science est détruite aussi, par la raison que la science est fondée sur le vrai. Or l’image est appelée vraie, parce qu’elle représente vrai ment la chose dont elle est l’image; comme elle est maintenant l’image des choses existantes dont la nature est d’être hors de l’âme, elle les représente comme existant, autrement ce ne serait pas une image vraie, on comprend qu’alors la chose soit détruite hors de l’âme, s’il y avait persistance des mêmes images qui représentaient d’abord les choses telles qu’elles étaient, et c’est là une représentation fausse, puisqu’elle représente comme existantes des choses qui n’existent pas. Et si l’on dit que ces images ne sont pas les mêmes qu’auparavant, ou qu’elles ne représentent pas les choses comme auparavant, il s’en suit alors que la science n’est pas la même qu’auparavant, et il en résulte de la sorte que, les choses étant détruites, la science, celle de ces choses est également détruite. C’est ce que donne à entendre Aristote dans son livre des Prédicables où il dit, que les premières substances étant détruites, il est impossible qu’il reste quelque chose des autres, c’est-à-dire des universaux, ou des secondes substances. Or les universaux sont les sujets des sciences, et les sujets des sciences étant détruits, elles sont elles-mêmes détruites. Donc, etc. Mais il n’en est pas ainsi des choses artificielles, car leur destruction n’entraîne pas nécessairement la destruction de leur science. La raison de cela c’est que l’espèce d’une chose artificielle qui est dans l’âme est le principe de la chose artificielle hors de l’âme, de sorte que la science de l’artiste est la cause des choses artificielles. Or la destruction de l’effet ne nécessite pas celle de la cause; c’est pourquoi l’artiste pou- voit avoir la connaissance de la chose artificielle sans qu’elle fût effectuée, parce que quand on connaît la cause, on connaît l’effet; il pourra avoir dans l’esprit l’image d’une maison ayant tant d’angles, parce qu’elle peut se trouver en plusieurs, quoiqu’elle ne se trouve dans rien de ce que connaît l’architecte. C’est là la solution de la question proposée, qu’il n’est pas nécessaire que toutes les choses soumises aux secondes intentions existent hors de l’âme. Car bien que ce soit requis dans les choses naturelles, ce n’est pas nécessaire dans les artificielles, et en général dans toutes les choses de l’intelligence les secondes in tentions ne peuvent pas être soumises à d’autres secondes intentions, comme le syllogisme est genre ou l’espèce est accident, l’accident est genre selon qu’il est diversement comparé, car l’espèce, quoiqu’elle soit l’espèce du genre, est cependant accident par rapport à l’âme. li en est de même des autres secondes intentions. Néanmoins elles n’ont l’être que dans l’âme, comme le prouve évidemment ce qui précède. On voit par là comment la logique est une science incertaine, parce qu’elle est plus incertaine que les autres, par la raison que la certitude de la science dépend de la certitude du sujet. La Métaphysique est dite très certaine, parce qu’elle a un sujet très certain, comme l’être en tant qu’être et ses premiers principes très certains sont connus. Mais entre tous les sujets des sciences le plus faible et le plus incertain, c’est le sujet de la logique, parce que chaque chose a une dose de vérité et de certitude en raison directe de son entité, comme dit Aristote au livre II de la Métaphysique, et maintenant les intentions secondes n’ont l’être que dans l’âme, d’où il résulte qu’elles ont l’être le plus faible. Car parmi tous les genres d’êtres, ceux qui sont dans l’âme participent moins à l’entité, comme on le voit dans plusieurs passages d’Aristote, et on l’établira ailleurs; donc ils participent moins à la vérité: et comme leur certitude est la vérité, on ne peut en avoir une pleine connaissance que par les premières intentions. Car on n’aurait jamais connu l’intention de l’homme qui est l’espèce sans connaître que l’homme en tant qu’intellect était participable de plu sieurs d’une différence seulement numérique d’où l’âme tire cette intention qui est l’espèce, par conséquent il est impossible de connaître la logique sans être savant et expert dans les autres sciences, et spécialement dans la Métaphysique qui en tout être comme tel produit une démonstration à laquelle n’arrive pas le logicien, comme logicien. Mais néanmoins comme ces secondes, intentions sont communes dans tous les êtres, la logique est pour cette raison commune à toutes les sciences et peut argumenter en toute science, car les secondes in tentions conduisent à la connaissance des premières en tant que fondées sur elles, de sorte que par l’intention qui est l’espèce, elles peuvent connaître l’homme non en tant qu’homme, mais en tant qu’il se dit de plusieurs choses numériquement différentes, et de même les autres espèces des autres sciences par le moyen des autres intentions. Mais comme ces secondes intentions sont appliquées aux choses ab extrinseco, parce qu’elles viennent de l’âme et surviennent dans les choses, ce n’est conséquemment que par elles que l’on peut argumenter d’une manière probable. Car ainsi qu’on le verra dans les To piques, argumenter d’une manière probable c’est faire connaître une chose par les accidents et par les propriétés communes. On voit par là que comme les accidents contribuent beaucoup à faire connaître quod quid est, et les accidents propres dont le logicien fait connaître la propriété, ainsi qu’on le verra dans le chapitre propre, la logique devrait conséquemment être ramenée aux autres sciences, et il est évident que la logique fait connaître tous les êtres en commun d’une manière probable; or notre connaissance commence aux choses les plus communes pour arriver aux moins communes, comme dit Ans- lote, livre I° de la Physique, et nous arrivons ultérieurement à l’essence de la chose par la connaissance des accidents, laquelle connais- sauce a son principe dans Je sens dont les accidents Sont l’objet. C’est pourquoi il faut étudier la logique avant toutes les autres sciences, afin que dans les autres sciences on procède, d’elle comme d’une connaissance préexistante.
Fin du cinquante-cinquième Opuscule, ou du second Traité sur les universaux.